Deux sur cinq, par Praline

Depuis le début de l’année, j’ai vu cinq films au cinéma. J’aurais aimé écrire un article à chaque fois, tant qu’ils étaient encore frais dans ma mémoire. Oui mais voilà, je ne l’ai pas fait, alors je vais compiler tout ça dans l’article d’aujourd’hui.
Le premier film que j’ai vu cette année a été… Roulements de tambour…

Premier contact, de Denis Villeneuve
Enfin ! Enfin ! Enfin un film de science-fiction avec des aliens mais qui n’oublie pas de nous parler des humains, et qui ne fait pas dans le spectaculaire. Premier contact est l’adaptation d’une nouvelle de Ted Chiang, que je n’ai pas lue. Ça commence bien, comme revue, non ? On y suit Louise Banks, une linguiste qui est recrutée par le gouvernement pour apprendre à communiquer avec les extra-terrestres après l’arrivée de ces derniers sur Terre. Pendant une grande partie du film, c’est l’incompréhension qui règne entre les humains et les nouveaux arrivants dont le système de pensée est bien éloigné du nôtre. Ce n’est pas un film d’action, et les moments les plus forts ne peuvent pas vraiment se raconter. D’autant plus que ça gâcherait la découverte finale, qui a permis à mon frère de se moquer de moi qui sanglotais dans mon fauteuil sans pouvoir m’arrêter, même quand le générique a démarré.
Source : Allociné
Les acteurs, Amy Adams et Jeremy Renner en tête, sont vraiment convaincants. Pendant longtemps, j’ai associé Amy Adams à son rôle dans Il était une fois (on a les références qu’on a), et j’ai eu du mal à la considérer avec sérieux. Mais avec ce film-là, aucun souci, elle m’a tout de suite embarquée dans son histoire. Et ça a été aussi le cas pour…

Nocturnal Animals, de Tom Ford
… dans lequel Amy Adams est également l’héroïne (z’avez vu la transition habile ?).
J’ai beaucoup, beaucoup hésité avant d’aller voir Nocturnal Animals. Il se trouve que le réalisateur, Tom Ford, a sorti en 2010 son premier film, qui tient depuis une place particulière dans mon cœur. A Single Man est sans conteste un de mes films préférés, et j’en ai parlé plusieurs fois ici, notamment grâce à sa très belle musique. Quand j’ai appris que Tom Ford travaillait à son deuxième film, avec des acteurs que j’aime beaucoup (Amy Adams donc, mais aussi Jake Gyllenhaal et mon chouchou Michael Shannon), j’ai été plus qu’enthousiaste. Pour ce qui est du synopsis, Amy Adams joue Susan, une galeriste réputée dont la vie est une suite de succès mais qui ne parvient pas à être heureuse. Elle reçoit un jour le manuscrit d’un roman écrit par son ex-mari, dans lequel deux des personnages ressemblent étrangement au couple qu’elle formait avec l’auteur. A mesure que le film avance, on assiste parallèlement à l’impact de cette lecture sur Susan, et au déroulement de l’intrigue du livre, comme un film dans le film.
Source : Allociné
 L’ensemble est pour le moins glaçant et met terriblement mal à l’aise. Je ne me souviens pas avoir vu d’indications particulières, mais ce n’est pas franchement un film tout public. Formellement, pour autant que je puisse en juger, le film est très bien ficelé et, une fois de plus, les acteurs sont impeccables. Les allers-retours entre le livre et la réalité sont bien dosés, et l’atmosphère est particulièrement soignée. Pour moi, le personnage de Susan manque seulement de réalité en ce qu’elle est toujours parfaitement apprêtée, mais c’est simplement parce que je n’accroche pas à cette esthétique glamour.
Source : Allociné
Le film a été assez critiqué, mais on ne peut nier qu’il est puissant. Une scène, notamment, dans le premier tiers du film, est incroyablement bien écrite et filmée. Je ne savais plus où me mettre en la voyant : elle donne envie de hurler aux personnages qu’ils sont en danger (ce dont ils se doutent assez rapidement), et en même temps on se dit que c’est trop horrible, et que ça ne peut pas se passer comme on sait que ça va se passer. Manque de pot, la tension et l’horreur ne font que monter, comme dans une cocotte-minute. Rien que pour cette scène, je trouve que le film est à la fois très bon et éprouvant psychologiquement.

Paterson, de Jim Jarmusch
Si j’avais su, j’aurais été voir Paterson juste après. Il se trouve que l’ai vu un peu avant, mais c’est l’antidote idéal après un film dur comme Nocturnal Animals. Paterson était également attendu au tournant, après le film précédent de Jim Jarmusch : Only Lovers Left Alive, un des grands coups de cœur de 2014 (dont je parlais ici).
Source : Imdb
Paterson (sorti en décembre 2016 mais vu en janvier 2017) est la simplicité faite film : il passe à deux doigts de l’ennui, mais en ce qui me concerne il n’y est jamais tombé. Il aura fallu attendre la moitié du film pour que j’arrête de me faire peur toute seule en pensant que quelque chose d’affreux allait se passer. Rassurez-vous, il ne se passe rien d’affreux. Les mauvaises langues diront qu’il ne se passe rien du tout, ce à quoi je répondrai : c’est pas faux. Mais là n’est pas la question. Le film suit Paterson, joué par le très juste Adam Driver, qui est chauffeur de bus à Paterson et poète à ses heures perdues. Sachant que conducteur se dit « driver » en anglais, ça fait beaucoup de répétitions : Paterson, played by Adam Driver, is a bus driver in Paterson. Certes. Prenons cela pour une volonté de Jim Jarmusch de ne pas nous fatiguer le cerveau. On sort de Nocturnal Animals, rappelez-vous. Il nous faut du simple, du quotidien, du tendre aussi, et de la poésie, le tout suffisamment bien mélangé pour qu’on ne distingue plus où commence la poésie et où s’arrête le quotidien. Un film pour se reposer les yeux, les oreilles, et le cœur.

Tous en scène, de Garth Jennings
Je suis allée voir Tous en scène après quelques jours assez stressants, et le film s’est révélé tout à fait approprié. C’est The Voice, avec des animaux mignons (mention spéciale au groupe kawaï-pop de petites renardes). Je me suis bien amusée sur le moment, ne gâchons pas notre plaisir, mais en sortant de la salle de cinéma, je ne voyais plus que les défauts. Tant pis, j’ai passé un moment agréable et c’est tout ce qui compte. (Pour les curieux, je regrette surtout le scénario cousu de fil blanc et les prestations tellement impeccables qu’on n’y croit pas.)
Source : Allociné
Ah oui, au fait, c’est l’histoire d’un koala qui organise un concours de chant.

La La Land, de Damien Chazelle
Enfin ! Enfin j’ai vu La La Land ! Bon, ç’aurait été encore mieux si le film m’avait vraiment plu, mais on ne peut pas tout avoir. Parce que non, je n’ai pas été convaincue. Comme Tous en scène, c’est assez agréable sur le moment, mais ça ne laisse pas de souvenir impérissable. Emma Stone est parfaite dans son rôle. Si seulement Ryan Gosling avait montré un peu plus de motivation ! J’avais constamment l’impression qu’il ne croyait pas à son personnage, et du coup je n’y ai pas cru non plus. C’est pourtant rare pour moi de remarquer que je n’aime pas la façon dont un acteur joue, mais malheureusement je ne suis pas atteinte de ryan-goslinguite aiguë. J’ai pourtant fait un effort et regardé Crazy, Stupid, Love, où il était bien mieux, mais c’était peut-être simplement ses abdos, plutôt que lui. Je dévie.
Source : Allociné
Dans l’ensemble, j’ai trouvé La La Land assez scolaire, et propret, alors que j’aurais aimé autre chose. La perfection ne m’intéresse pas, et d’ailleurs j’ai apprécié que les deux héros soient un chouia raides quand ils dansent (dit celle qui ne peut pas faire un tour sur elle-même sans se casser la figure) et qu’ils n’aient pas des voix dignes de Broadway.
Source : Allociné
L’une des chansons d’Emma Stone ne m’a pas loupée. J’ai à peine eu le temps d’entendre deux phrases et trois notes avant de fondre en larmes, et à chaque fois que je m’interrompais pour respirer, une nouvelle phrase venait en rajouter une couche. Je ne m’y attendais pas, étant donné l’enthousiasme mitigé qu’avait soulevé le film jusque-là. Et le pire, c’est qu’un petit peu plus tard dans le film, à un moment loin d’être triste, j’ai repensé à la chanson et je suis repartie pour un tour. Je suis encore toute émue d’y repenser. Rien que pour cette belle chanson, je ne regrette pas d’avoir vu le film. Le morceau principal, « City of Stars », est vraiment joli, et il est bien utilisé dans le film : il revient à plusieurs reprises, mais toujours avec des variations, ce qui fait qu’on n’entend jamais vraiment la même chanson.


Voilà pour les films vus au cinéma depuis le début de l’année ! Vous noterez que je n’ai pleuré que pour deux films sur cinq, ce qui avait déjà été ma moyenne pour les cinq derniers films de 2016. Il semblerait que ce soit ma vitesse de croisière. Les paris sont ouverts pour les cinq prochains films !

J'ai lu : A Song for Arbonne (de Guy Gavriel Kay), par Praline

Cela faisait un petit bout de temps que j'avais repéré ce livre, sans en avoir beaucoup entendu parler.
A force de le voir resurgir par-ci par-là, il était temps que je le découvre. Je n'ai pas l'impression que l'auteur, Guy Gavriel Kay, soit très connu en France. Il existe une traduction, mais cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de roman en anglais, et ça me manquait.
Quand j'ai lu le petit résumé biographique au début du roman, j'ai compris pourquoi c'était simplement le destin que je lise son livre : ce monsieur a tout simplement aidé Christopher Tolkien, fils de J.R.R. Tolkien, lors de la publication du Silmarillion. Rien que ça. Et j'ai été d'autant plus satisfaite, en commençant à lire A Song for Arbonne, de constater que ce n'était absolument pas un ersatz du Seigneur des Anneaux. L'auteur développe un monde qui lui est propre, et que j'ai pris plaisir à découvrir dans cette histoire en un seul volume.

Source : le site non officiel de l'auteur, http://brightweavings.com/ggk/

Le récit suit plusieurs personnages, dont Blaise, un mercenaire, et Lisseut, une troubadour, alors que chacun vit sa vie et essaye de se faire une place dans le royaume d'Arbonne. Selon le peu que j'avais lu sur ce livre, l'auteur s'était fortement inspiré de la Provence médiévale et des codes de l'amour courtois.
C'est effectivement une tradition qui infuse le texte : les troubadours sont au cœur de l'histoire qui se déroule dans une région ensoleillée et verdoyante. Lire certains passages réchauffent vraiment le cœur, tant l'auteur a l'art d'évoquer la sensation délicieuse du soleil sur la peau, et la clarté de l'atmosphère.

Le roman est divisé en quatre parties, une par saison, en commençant par le printemps. Chacune voit les personnages évoluer au gré de l'histoire plus vaste que la région d'Arbonne écrit avec les pays voisins, notamment le Nord belliqueux qui veut l'envahir.
Certes, le roman n'échappe pas à certains clichés (les femmes sont toutes belles, par exemple, et les méchants sont très méchants). Le style élaboré se fait souvent assez pompeux et quelques effets sont faciles, mais l'écriture est aussi très évocatrice l'atmosphère est très bien rendue.
Le personnage principal évolue beaucoup au fil de l'histoire, et les personnages secondaires ne sont pas en reste. Ils ne sont pas trop nombreux (j'ai tendance à être vite perdue, mais là j'ai suivi les intrigues politiques sans trop de difficulté) et, pour plusieurs, très attachants.

En y repensant, j'ai eu du mal à entrer dans le livre. Le prologue m'a déroutée, notamment parce que je n'avais pas lu en anglais depuis plusieurs mois, et qu'il m'a fallu un peu de temps pour comprendre qui était qui (ce qui ne devrait poser aucun problème à n'importe quel lecteur). Une fois que tout était clair dans ma tête, je me suis mise, sans m'en rendre vraiment compte, à beaucoup apprécier ma lecture.
Et quand l'atmosphère s'est faite plus sombre, j'ai ressenti particulièrement ce calme avant la tempête que l'auteur décrit si bien. C'est en m'imaginant que certains personnages risquaient de ne pas survivre à la fin du roman que je me suis rendue compte à quel point je m'y étais attachée.


En bonus, un extrait presque sans spoiler qui m'a beaucoup plu. Il se situe dans la partie "Automne" :
She sat down carefully in a recessed window seat to listen. The stone bench was cushioned, for which she was grateful. She reached over and unlatched the window. It was of stained glass, etched wonderfully with the image of a green island in the sea. The breeze came in, and through the window she could see the unfiltered light of the blue moon. They called it Riannon here for the goddess, not Escoran for the god. Because of that difference, she reflected, Arbonne was to be destroyed.
After a moment she rejected the thought: too simple an argument and conclusion. Nothing was that simple in the world.
She could hear the river running below in the darkness, making a soft, continuous murmur beneath the singing of the joglar. It was cool tonight on the isle of Barbentain; Rosala wrapped the woollen robe they had given her more closely about herself.